Un cadre sécurisant pour grandir autrement

Une présence éducative structurante: les foyers d’accueil au cœur de la reconstruction

Dans l’accompagnement des enfants et jeunes placés en foyer, chaque journée est une opportunité de renouer des liens, de reconstruire des repères, et de réintroduire des moments de joie et de sérénité dans des parcours souvent bouleversés. Nos éducatrices et éducateurs jouent un rôle central dans ce processus, tant en matière d’écoute que d’accompagnement au quotidien.

Les équipes éducatives des foyers font face à des situations variées et complexes, mais aussi enrichissantes. Chaque jeune a ses propres défis et les professionnels savent s’adapter pour répondre à leurs besoins spécifiques, qu’il s’agisse de leur fournir un cadre sécurisant, de renforcer leur confiance en eux, ou de les préparer à des retours en famille lorsque cela est possible.

Témoignage de Luana Lopez Gulino, éducatrice en foyer :

« Ma principale motivation, c’est la diversité des actions que je mène chaque jour. Aucune journée ne se ressemble, ce qui rend mon travail toujours stimulant. Voir les jeunes évoluer, apprendre à mieux se connaître, et, si cela est envisageable, les accompagner dans leurs retours en famille, rend notre action encore plus concrète et significative. »

Les éducatrices et éducateurs des foyers savent qu’un lien de confiance s’établit progressivement, au fil des échanges et des moments partagés. Elles et ils prennent le temps de se rendre disponibles, à l’écoute et d’adopter une approche ludique et bienveillante pour créer une atmosphère où les jeunes se sentent en sécurité.

Le « secret » de la confiance ? Beaucoup d’éducateurs insistent sur l’importance de l’humour comme outil d’entrée en relation, ainsi que la mise en place d’activités informelles : cuisine, arts créatifs, ou sorties extérieures. Ces moments permettent non seulement de partager des expériences nouvelles, mais aussi de créer des souvenirs positifs avec les jeunes, dans un cadre plus détendu et rassurant.

« J’adore utiliser l’humour pour détendre l’atmosphère. Cela permet aux jeunes de se sentir plus à l’aise, de diminuer les tensions et d’apporter de la joie dans un quotidien parfois lourd. La co-construction du lien de confiance se fait aussi à travers des activités comme la cuisine, le jardin permacole, les camps ou des moments récréatifs, où les jeunes peuvent se découvrir sous un autre jour et partager des instants agréables. »

L’une des réussites notables d’un accompagnement éducatif est l’élaboration de plans éducatifs individuels (PEI), conçus spécifiquement pour aider chaque enfant à gérer ses émotions et ses comportements de manière adaptée. Par exemple, un jeune garçon de 8 ans, souvent très agité et en difficulté pour gérer ses émotions, a vu sa situation évoluer grâce à des outils ludiques et créatifs. Un outil de « super-pouvoirs » a été développé avec lui, sous forme de jeu, pour l’aider à canaliser son excitation et à adopter des stratégies de gestion émotionnelle. Une grille d’évaluation comportementale lui a également permis de suivre ses progrès. Cette approche ludique a été étendue à son domicile, afin que ses parents puissent également soutenir leur enfant dans un cadre sécurisant et rassurant.

« L’accompagnement de ce jeune a été très enrichissant. Nous avons créé un PEI avec lui, qui lui permet de prendre conscience de ses comportements et de gérer ses émotions à travers un outil ludique. La grille a également permis aux parents de mieux comprendre et de soutenir leur enfant. Aujourd’hui, nous voyons des progrès notables dans sa gestion émotionnelle et ses interactions. »

Damien Corday – Une cuisine qui rassemble

Dans la grande cuisine du Foyer de Lully, il règne une atmosphère de chaleur et de réconfort. À l’origine de cette ambiance : Damien Corday, cuisinier. Mais pour les enfants comme pour l’équipe éducative, il est bien plus que cela. Il est une figure stable, un visage familier, une présence rassurante. Dans chaque plat qu’il prépare, dans chaque goûter partagé, Damien construit du lien, doucement, avec simplicité et authenticité.

Il se souvient de ce petit garçon qui lui avait tendu un dessin d’arc-en-ciel, lors de ses débuts au foyer. Sur la feuille, un petit mot ajouté : « Merci pour tous les repas que tu nous fais ». Un geste spontané, sincère, qui l’a profondément touché. Car pour Damien, nourrir les enfants, c’est aussi les accompagner, leur offrir bien plus qu’une assiette : un cadre, un repère, une attention.

Ce qui l’anime, c’est la dimension humaine et sociale de son métier. « Je ne suis pas simplement là pour cuisiner, explique-t-il. Je fais partie de la maison ». Il prend soin de proposer une alimentation équilibrée, adaptée aux besoins des enfants, mais aussi de créer un espace d’échange et de confiance autour de la cuisine. Il leur parle des aliments, des recettes, de l’origine des produits. Il aime organiser des ateliers, préparer les goûters avec eux, répondre à leurs envies de menus quand c’est possible. Des moments de complicité qui comptent profondément.

Un souvenir reste particulièrement gravé dans sa mémoire : celui d’une petite fille accueillie au foyer, âgée de trois mois à son arrivée. Il a participé, à sa manière, aux premiers pas de cet enfant dans la découverte du goût et de l’alimentation. « C’est une grande responsabilité, mais aussi un privilège », confie-t-il. Damien insiste sur un point : la cuisine, tout comme l’intendance, sont des piliers du fonctionnement d’un foyer. Souvent en arrière-plan, ces rôles méritent d’être reconnus et valorisés, car ils contribuent pleinement au bien-être et à l’équilibre des enfants. Et dans cette maison qu’est le foyer, chaque geste compte. Chaque repas aussi.

Ana Teixeira Da Cunha – Ce sont les petites choses qui font la différence

Dans les Foyers de Bellevue et Romainmôtier, ainsi qu’à l’AEMO Nord, Ana Daniela Teixeira Da Cunha fait partie du quotidien. Pas sur le devant de la scène, mais toujours présente. En tant qu’employée de maison, elle accompagne les enfants et les jeunes à sa manière — dans les gestes simples, les échanges spontanés, les instants partagés qui, peu à peu, construisent une relation de confiance.

Ce n’est ni un rôle éducatif, ni thérapeutique au sens classique. Et pourtant, la présence d’Ana est essentielle. Avec douceur et sincérité, elle crée du lien là où il n’est pas toujours facile d’en tisser, en s’appuyant sur ce que la vie ordinaire a de plus fort : la chaleur humaine, la constance, l’attention portée à l’autre. Jour après jour, Ana est là — attentive, à l’écoute, prête à tendre l’oreille ou à ouvrir une porte. Et pour certains jeunes, cela change tout.

Elle se souvient encore du départ d’une jeune résidente du Foyer de Bellevue, tout juste majeure. Un moment fort, chargé d’émotion. « On avait beaucoup parlé, souvent pendant qu’on pliait le linge ou qu’on faisait la lessive ensemble, se rappelle Ana. Des moments simples, mais où la parole s’ouvre. » Le jour du départ, malgré la préparation, les valises bouclées et les démarches faites, la jeune fille a pleuré. Et dans une étreinte sincère, elle a soufflé à Ana : « Tu sais, ce sont les petites choses qui font la différence ».

Ces « petites choses », c’est justement là qu’Ana puise sa motivation. Pas de grands discours, mais un sourire, une présence, une chanson partagée. Comme ce Noël au Foyer de Romainmôtier, un moment hors du temps. Un vrai moment de partage. 

À une autre occasion, Ana avait apporté un gâteau pour son anniversaire, qu’elle a partagé avec les enfants, entre éclats de rire et chants improvisés. « C’est dans ces instants-là qu’on oublie un peu les difficultés, qu’on se retrouve tous, simplement, autour de quelque chose de doux ».

Ana n’attend pas que les jeunes viennent à elle avec de grandes confidences. Elle est là, au quotidien, dans leur décor. Et c’est souvent autour d’un pliage de draps ou en triant le linge qu’un mot glisse, qu’un échange naît. Elle s’adapte à chacun. Elle parle parfois foot, d’autres fois d’actualité. Elle observe, elle ressent, et elle trouve toujours une façon d’entrer en lien. « Je crois qu’ils sentent que je suis sincère. Je suis là pour eux, quand ils en ont envie. Je ne force jamais ».

Elle a vu des jeunes évoluer. Elle se rappelle notamment d’une adolescente, très en retrait à son arrivée. Peu à peu, celle-ci s’est ouverte, a pris confiance. Un jour, elle a proposé son aide pour mettre la table. Puis elle a continué à participer aux petites tâches du foyer. Des gestes qui, pour Ana, sont des marqueurs forts. « Ces petites actions du quotidien les aident à retrouver une place, à se sentir utiles, à se reconstruire doucement ».

Ce travail, Ana le fait avec le cœur. Elle avoue être souvent touchée par les histoires de ces jeunes, parfois blessés par la vie. Mais elle garde toujours l’espoir. « Il y a toujours une petite lumière, même quand tout semble sombre. Et cette lumière, il faut la nourrir. Moi, je fais ma part, à ma manière ».

Zoom sur l’accompagnement en foyer en 2024

Plusieurs projets de retour en famille construits et accompagnés.

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