Rédiger pour se rapprocher de la substance du métier d’éducatrice ou éducateur

Si le métier d’éducatrice ou éducateur implique une présence physique régulière auprès des enfants et des adolescent·e·s, sa partie théorique ne peut pas être négligée. Il est difficile d’être compétent dans sa mission sans avoir réfléchi à sa pratique professionnelle.

Ce qui est vrai à l’échelle de l’individu l’est plus encore au niveau d’une équipe. À la Fondation Jeunesse & Familles, toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs de nos structures d’hébergement consacrent du temps à l’analyse de leurs interactions avec nos bénéficiaires. Ces temps de réflexion prennent la forme d’échanges oraux entre collègues durant la journée de travail, lors des colloques hebdomadaires ou pendant des supervisions spécifiques. Tous les cinq ans, ces échanges, ces pensées sont déclinés dans un rapport écrit d’une cinquantaine de pages : le concept socio-éducatif. Celui-ci est destiné aux institutions étatiques desquelles nos neuf centres d’hébergement dépendent en partie financièrement. Ce rapport est envoyé en premier lieu à l’Unité de pilotage des prestations éducatives contractualisées (UPPEC) qui s’occupe de gérer les capacités d’accueil pour les personnes mineures placées hors de leur famille par la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse du canton de Vaud. L’Office fédéral de la justice en reçoit également une copie.

Plus qu’un pensum administratif, un outil de référence

En 2022, les équipes de nos foyers L’Aube Claire, Bellevue, La Boussole, ceux de Founex, Romainmôtier et Lully ainsi que de l’AEME Montelly ont passé beaucoup de temps à réfléchir et à rédiger leur concept socio-éducatif. Au foyer Bellevue, quatre jours complets ont été consacrés aux thématiques de la santé, des placements, des règlements, des valeurs et des axes pédagogiques. Un exercice de longue haleine qui dépasse le pensum administratif pour s’imposer comme un outil de référence au service de nos collaboratrices et collaborateurs, de la qualité de nos prestations et donc des enfants, adolescent·e·s et adultes pour qui nous œuvrons.

Ces concepts socio-éducatifs s’appuient pour partie sur des réflexions transversales élaborées par les collaboratrices et collaborateurs de divers lieux d’hébergement en 2021. Ainsi des éléments sont identiques dans plusieurs tables des matières. Le chapitre consacré au contexte légal reprend les buts de notre Fondation, plus loin ce sont ses missions qui sont décrites. Les valeurs institutionnelles se déclinent selon les différents niveaux d’organisation. Les inspirations théoriques, les axes pédagogiques, le déroulement du placement ou les thématiques spécifiques varient d’une structure à une autre. Ces orientations dépendent directement du savoir-faire de nos équipes et des chemins tracés par leurs directions.

Les deux Guy de l’inspiration systémique

Les inspirations théoriques sont essentielles pour comprendre les difficultés vécues par nos bénéficiaires. Si les influences varient selon les besoins et les institutions, la vision systémique est privilégiée par l’ensemble de celles-ci. Elle permet en effet d’interpréter les individus dans leur globalité, comme des êtres évoluant au sein de relations et de contextes sociaux plus ou moins complexes. Deux auteurs principaux servent de référence. Le premier, le pédopsychiatre belge Guy Ausloos, a développé le concept de compétences, qui s’appuie sur le potentiel de progression de nos bénéficiaires et de leur entourage plutôt que de se concentrer uniquement sur leurs difficultés ou leurs problèmes. Il propose une approche positive et dynamique qui favorise le changement et l’autonomie des personnes accompagnées.

Le second, l’assistant social Guy Hardy, a développé le concept d’aide contrainte qui souligne le dilemme auquel les professionnel·le·s sont confronté·e·s quand elles ou ils doivent d’un côté fournir une aide tout en respectant de l’autre les contraintes et les exigences imposées par les autorités. Il leur faut donc trouver des solutions créatives et équilibrées.

Le quotidien pour structure de vie

Un autre chapitre, celui des axes pédagogiques, dépend fortement des types de bénéficiaires, mais la notion de quotidien reste centrale pour tous les lieux d’hébergement. Elle revêt la même importance pour les petits de 2 ans du foyer de Lully que pour les jeunes mères de l’AEME Montelly à Lausanne. Dans les foyers, le quotidien rythme la vie des enfants et des adolescent·e·s. Ainsi, les levers, les couchers, les heures des repas, celles consacrées à l’hygiène du corps, l’école, les devoirs, les activités extrascolaires ou les moments de rangement se font à un horaire fixe qui répond aux exigences scolaires ou professionnelles. Cette organisation de la journée permet aux équipes de bien suivre les pensionnaires et les observer. Ces moments sont essentiels, car ils créent des échanges, des discussions et des liens entre les adultes encadrants et les petit·e·s ou les jeunes. 

À l’AEME Montelly, toutes les conditions sont mises en place pour que les mères puissent développer des actions dans leur quotidien. Celui-ci est bien entendu organisé en fonction des besoins de leur bébé : soins, alimentation, sommeil, divertissement de même que les tâches ménagères et administratives qui en découlent. Les chapitres concernant le déroulement des placements, la présentation de la structure ou les ressources humaines décrivent les particularités de nos lieux de vie. Chacune aborde aussi des thématiques variées qui couvrent la santé, la nourriture, l’hygiène, la sexualité, les dépendances ou l’application du règlement. Dans le cas de l’AEME, la préparation à la naissance, la socialisation ou la place de la deuxième figure parentale sont évoquées.

Une fenêtre sur le quotidien

Le concept socio-éducatif offre une photographie du travail réalisé, c’est une fenêtre sur le quotidien de nos lieux d’hébergement pour les institutions qui les financent, mais également pour l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs. En effet, ces rapports passent du général au particulier en décrivant aussi bien les valeurs et les missions que l’organisation du petit-déjeuner ou le rangement des chambres.

Leur rédaction est une forme d’introspection pour nos équipes. Elles discutent de leurs pratiques, les interrogent, parfois même les remettent en question. C’est impératif que nos collaboratrices et collaborateurs aient réfléchi ensemble pour pouvoir s’approprier un concept socio-éducatif. Si les directions concevaient ces documents enfermées dans leurs bureaux, ils en perdraient tout leur sens.

Comme les éléments mis par écrit sont accepté de toutes et tous, ces rapports deviennent des « références » sur lesquelles nos équipes peuvent se tourner si des hésitations surviennent. Ces lignes communes soudent nos groupes dans une manière de faire partagée.          

D’ailleurs, quand une nouvelle collaboratrice ou un nouveau collaborateur débute, le concept socio-éducatif fait office de fil rouge pour elle ou pour lui.

La rédaction de concepts socio-éducatifs condense la substance, la richesse du métier d’éducatrice ou éducateur qui mélange l’humain et la réflexion.

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